AU COMMENCEMENT ÉTAIT L’ALIF
Une exposition de Salim Le Kouaghet à la Grande Mosquée de Paris
Pour la première fois, la Grande Mosquée de Paris ouvre ses portes à l’art contemporain. Salim Le Kouaghet, artiste peintre formé à Constantine, Alger, Metz, Paris et à l’Université Paris VIII, y déploie une œuvre inédite et profondément habitée. Dans le jardin andalou comme dans la salle Émir Abdelkader, il inscrit Wast-ed-Dar « le centre de la maison » au cœur d’un dialogue subtil entre espace sacré, mémoire intime et langage plastique.
Huit Alifs verticaux ponctuent le jardin. Ils ne sont pas de simples structures, mais des figures symboliques : premières lettres, piliers invisibles d’un espace intérieur, évocations du souffle originel et du chiffre huit, signe de l’infini. Ces Alifs, dressés dans la lumière, sont les gardiens d’un silence chargé de présence.
Depuis plus de quarante ans, Salim Le Kouaghet explore, à travers la peinture, les signes d’un monde en tension : graphies fragmentées et alphabet tifinagh , toiles lacérées, cousues, clouées. Sa démarche puise à la fois dans les traditions visuelles du Maghreb et dans l’abstraction gestuelle. Son œuvre est traversée par la nuit, par la lumière, par l’exil – mais toujours tournée vers une recherche d’équilibre, de verticalité intérieure.
Wast-ed-Dar n’est pas un décor. C’est une procession. Une architecture de signes, une traversée sensorielle où les formes s’élèvent comme autant de seuils entre mémoire collective et intériorité. Dans ce lieu de prière, les œuvres ne s’imposent pas : elles murmurent. Elles instaurent un rythme. Le rythme d’un langage retrouvé, d’un souffle recomposé.
En réunissant peinture, installation et spiritualité, l’exposition défie les catégories : profane et sacré, abstraction et ancrage, histoire et mythe. Elle affirme une poétique du dépouillement et du recueillement. Une invitation à regarder autrement, à écouter l’invisible, à reconnaître dans l’Alif non seulement une lettre, mais une posture : celle de se tenir debout, dans le vacarme du monde, porté par la lumière.