Halida Boughriet Franco-Algérienne, 1980
Dévoilez-vous, 2012 - 2013
photographie couleur, Diasec, châssis rentrant aluminium
2 Formats 80 × 120 × 0.3 cm et 40 x 50 cm × 0.3 cm
Edition 2/5 + 2AP
© Halida Boughriet/ADAGP, Paris
Le visuel ci-contre provient d’une affiche éditée par le 5ème bureau d’Action psychologique de l’Armée française. Organismes créés pendant la guerre d’Algérie, ces bureaux furent mis en place en juillet...
Le visuel ci-contre provient d’une affiche éditée par le 5ème bureau d’Action psychologique de l’Armée française. Organismes créés pendant la guerre d’Algérie, ces bureaux furent mis en place en juillet 1957 et dissouts en février 1960. Ils étaient chargés, au sein des états-majors, de nombreuses tâches regroupées sous le vocable “action psychologique”. Ses missions comportaient la propagande en direction des officiers, de la troupe, et de la population algérienne, ce qui les menèrent à concevoir un programme politique prônant une réforme radicale de la société coloniale, l’intégration, et donc à assumer une position tranchant avec le principe de soumission du militaire au politique. Sous un aspect en apparence naïf et bienveillant, cette affiche dissimule à peine une intention paternaliste teintée de misogynie en réduisant le voile à un cache-misère et la femme a un objet décoratif, fait pour
« faire joli ». Dans cette perspective, elle est emblématique de l’histoire complexe du rapport de la France à l’Algérie vue à travers l’imagerie populaire. Elle s’inscrit également dans la lignée de la photographie coloniale (rappelons que l’invention de la photographie est contemporaine de la prise d’Alger), pour laquelle le dévoilement de la femme est une préoccupation constante, comme si le voile représentait le symbole d’un acte ultime d’insoumission. Le diptyque photographique inédit de Halida Boughriet, conçu spécialement à l’occasion de l’exposition pour nourrir ces « 50 ans de réflexion ». Présenté à la manière d’une campagne publicitaire, il souligne l’omniprésence de la figure féminine dans le registre de la communication, quelque soit le produit de vente ciblé. En rapprochant, non sans ironie et provocation, une authentique affiche de propagande d’une fausse affiche de publicité, l’artiste montre la frontière floue entre les messages politiques et commerciaux et leur arrière-fond idéologique inconscient commun.A l’occasion des débats qui ont accompagné la mise en place de la loi d’interdiction du port du voile intégral dans l’espace public français en 2011, l’argument esthétique a souvent été invoqué, dans un paradoxe flagrant et pourtant souvent passé sous silence, avec le prétendu aspect féministe du projet de loi. En 50 ans, la perception de la femme arabe, musulmane semble susciter toujours autant de passion, entre volonté de la « libérer » par la contrainte, et de la normer selon des critères dont l’universalité peut être interrogée. Ces 50 ans de réflexion ont-ils réellement per- mis une évolution du regard ? Le corps féminin, dans sa réduction à une figure esthétique, semble toujours perçu comme un objet de désir et un enjeu social ambivalent. Véronique Rieffel (commissaire d’exposition indépendante, critique d’art)