BAYA Algérienne, 1931-1998

Le monde de Baya Mahiedienne est habité de flore, de poissons et d’oiseaux, plus particulièrement de paons qui en bon gardiens adorent se percher pour dominer, surveiller, et faire fuir les intrus.

BAYA née Fatma Haddad-Mahieddine

à Bordj – El – Kiffan, Algérie

Artiste autodidacte, BAYA occupe une place unique dans l’histoire de l’art moderne. Sa trajectoire est fulgurante, son œuvre inclassable, affranchie de toute école, et de toute assignation.

Née Fatma Haddad en 1931 à Bordj El Kiffan, à proximité d’Alger, elle perd ses parents à un âge tendre. Confrontée à l’adversité, elle trouve dans l’art un refuge salutaire, et une échappatoire qui lui permet de se reconstruire et, surtout, de se révéler. C’est dans cet espace d’expression intime que naît Baya, portée par une créativité instinctive. Son don n’échappe pas à Marguerite Caminat, qui décèle en elle une imagination prodigieuse.

En 1947, à seulement seize ans, Baya expose à la galerie Maeght à Paris. Le succès est immédiat. André Breton, Matisse, Braque, et Derain, figures emblématiques de l’avant-garde saluent son talent.

L’été suivant, en 1948, elle explore l'art de la céramique à l'atelier Madoura de Vallauris, où elle façonne des créatures fantastiques et des animaux aux allures oniriques. Son art est profondément imprégné de l'influence culturelle des femmes kabyles. Sa maîtrise naturelle du geste fascine. Picasso, installé dans un atelier voisin, la rencontre à cette occasion et découvre en elle une jeune artiste prometteuse.

En 1953, à la veille de la guerre d’Algérie, Baya épouse Hadj El Mahfoud Mahieddine, grand maître de musique arabo-andalouse. Pendant les années qu’a duré la lutte de libération, elle interrompt sa pratique artistique. Ce silence, loin d’être une disparition, résonne comme un acte de résistance.

Avec l’indépendance de l’Algérie en 1962, Baya reprend ses pinceaux avec une énergie nouvelle. Ses œuvres explosent de couleurs. Elles sont peuplées de femmes souveraines, et rayonnantes ; libérées du joug colonial comme des normes patriarcales.

L’artiste invente un monde à part, où les corps dansent, et où la nature est reine. Ses gouaches aux couleurs éclatantes transforment la flore, la faune et les objets du quotidien en motifs féeriques ; révélant un attachement profond à la nature, sublimé par une maîtrise artistique rare.

Dans cet univers foisonnant, les hommes sont absents. Un choix qui prend valeur de manifeste, car son espace est régi par le féminin, libre et créateur.

Inspirée par la danse et la musique, notamment celle de son époux Hadj El Mahfoud Mahieddine, Baya s’émancipe des carcans d’une société conservatrice pour imposer un art joyeux, sensoriel, et profondément libre. Sans jamais se revendiquer d’une école ou d’un quelconque courant artistique, elle s’inscrit dans une lignée féministe. Par son geste, elle défie les hiérarchies d’un monde artistique longtemps dominé par les hommes.

L’œuvre de BAYA est une célébration de la vie. Une fusion rare entre héritage culturelle et innovation personnelle. Aujourd’hui, saluée par les plus grands musées et expositions à travers le monde, elle s’impose comme un jalon essentiel de l’histoire de l’art moderne. À travers son geste, Baya a offert une vision de l'Algérie vibrante, poétique et universelle, loin de tout cliché, et de tout regard réducteur.

 © AYN Gallery