
À une époque où le monde semble se replier derrière des frontières visibles et invisibles, ces quatre artistes proposent un déplacement du regard. Leurs œuvres à travers la photographie, la performance, l’installation et le dessin, ne cherchent pas à expliquer, mais à révéler. Elles parlent de migration, de mémoire, d’ancrage et de passage, non par des moyens didactiques, mais par résonance. Leurs créations ne s’adressent pas à la carte, mais au corps, à la mémoire et à l’imaginaire.
Halida Boughriet explore le seuil par la performance : un geste fugace au bord de l’eau devient un acte de dignité, un corps devenu archive et souffle. Salim Le Kouaghet tisse une résistance silencieuse, combinant texte et textile dans un langage visuel où l’intime rencontre le collectif. Dalel Tangour assemble mer et ciel dans une composition sensorielle, une cartographie poétique de l’absence et du déplacement. Bilal Bahir travaille la mémoire comme on manipule une marionnette ou une relique : puisant dans l’enfance, les archives et les gestes de préservation, il reconstruit un monde d’histoires fragmentées et d’intuitions visuelles.
Influencées par les philosophies de l’altérité (Levinas), du rythme (Bachelard) ou de l’image comme seuil (Didi-Huberman), ces œuvres tracent des trajectoires où la migration n’est pas seulement géopolitique, mais existentielle. Chaque geste artistique fait ici écho à ce que Merleau-Ponty appelait une « phénoménologie du visible » : une manière d’habiter le monde par l’expérience et la perception.
Dans un monde saturé de récits binaires, Between Lands and Horizons ouvre un espace de nuance non pour illustrer l’actualité, mais pour en brouiller les contours. Pour inviter chacun à déplacer son propre point d’observation, et à accueillir dans l’image ce qui, jusque-là, restait hors cadre.
© AYN Gallery - Commisariat Yasmine Azzi-Kohlhepp